Le sol couvert de fruits dégoulinants. À l’intérieur,
des asticots qui grouillent. Les mangues pleurent… C’est le constat choquant
qu’il est donné de voir dans la majorité des vergers de mangues de par le pays.
Du Kénédougou au Sanguié, en passant par la Comoé, le Houet, etc., les mouches
des fruits ont envahi toutes les zones de production de mangue au Burkina Faso.
Pourtant, en Afrique de l’Ouest, environ 1,5
million de tonnes de mangues sont produites chaque année. Cela représente
approximativement 4% de la production mondiale. Celles produites et exportées
depuis le Burkina Faso sont essentiellement les variétés « Kent »,
« Amélie », « Brooks », « Keitt »,
« Valencia », « Lippens », et « Springfels ».
En termes de demande, la « Kent » se classe au premier
rang des exportations particulièrement vers le marché européen. Il faut dire
que le secteur est une source importante de revenus pour les pays producteurs.
La variété « Brooks », qui est
tardive permet de fournir dans le temps de la mangue encore fraîche aux
consommateurs. Malheureusement, c’est la variété la plus vulnérable aux mouches
des fruits.
Ces mouches peuvent provoquer une perte de
productivité des vergers de mangues de plus 80% voire 100% si rien n’est fait
Ouédraogo (2011). Les espèces les plus connues sont essentiellement Bactrocera dorsalis et Ceratitiscosyra. Toutefois, c’est
l’espèce Bactrocera dorsalis qui est la plus dangereuse
pour le manguier. C’est une espèce polyphasée qui s’attaque à plus
d’une trentaine d’espèces fruitières (Vayssières et al., 2009). Même si, les
pertes économiques dues à l’attaque des mouches de fruits sont difficiles à
estimer (Tankoano, 2010), force est de reconnaître que ce redoutable ravageur a
mis la filière mangue aujourd’hui à genou.
Image Bactrocera Dorsalis : source https://bit.ly/3j261cr |
Comme le déclarait le Président du Comité
national de lutte contre la mouche des fruits du Sénégal, Mr Ngane Cheick, « les économies des
pays producteurs et exportateurs de mangues d’Afrique de l’Ouest ont subi des
pertes substantielles à la suite de l’interception des exportations de
mangues ».
Le Burkina Faso, à l’instar des autres pays, a
souffert des interceptions et des destructions de ses cargaisons de mangues.
Face à ce problème, plusieurs méthodes de lutte ont été développé par la
recherche parmi lesquelles on peut citer les méthodes culturales ou
sanitaire, la lutte chimique, la lutte biologique et d'autres méthodes comme
les ennemis naturels (parasitoïdes) et l’insecte stérile (Tankoano, 2010).
Parmi ce lot de techniques de lutte, nous allons nous
appesantir sur la lutte biologique. Elle se définit comme étant l’utilisation
d’organismes vivants ou de leurs produits pour lutter contre d’autres
organismes jugés nuisibles (Cloutier et Cloutier 1992 ; Dreistadt et al.
2004).
Quelles méthodes de lutte biologique pour le bonheur de la filière
mangue ?
L’une des méthodes de lutte
biologique dont dispose la recherche est l’utilisation de l’ennemi naturel de Bactrocera
dorsalis, le parasitoïde Diachasmimorpha Longicaudata. Ce
parasitoïde a été importé du Centre International de Physiologie et
d'Ecologie des insectes (ICIPE) au Keneya. Un dispositif a été mis en
place au Centre National de Spécialisation en Fruits et Légumes (CNS-FL) pour
sa production de masse. Il se reproduit sur les larves L3 de l’espèce Bactrocera
Dorsalis.
C’est une méthode de lutte qui consiste d'abord à élever
en masse Bactrocera Dorsalis. , La technique d'élevage consiste à introduire des pondoires (contenant au préalable un morceau de tissu imbibé de jus de mangue) dans des cages
d'élevage de Bactrocera Dorsalis (contenant des femelles matures) pendant 24 heures. Les femelles de B. dorsalis déposent leurs oeufs à travers la perforation des pondoires. Les œufs ainsi obtenus sont placés sur un milieu
nutritif pour permettre leur éclosion et leur passage aux différents stades
larvaires (L1, L2, L3). Les larves de stade L3, les larves sont placées sur un milieu nutritif à base de poudre de carotte dans des unités de
pontes et introduites pendant 24 heures dans les cages d’élevage du parasitoïde de Drachamimorpha
Longicaudata. Les larves de B. dorsalis qui émettent des vibrations permettent aux
femelles de Drachamimorpha Longicaudata, à travers leur
récepteur, de les localiser et d’y pondre leurs œufs. Ces œufs à leur tour,
vont éclore à l’intérieur des larves de Bactrocera Dorsalis et se
nourrir de celles-ci. Ainsi, à l’émergence, nous auront plutôt des parasitoïdes
Drachamimorpha Longicaudata au lieu des ravageurs de Bactrocera
Dorsalis.
Drachamimorpha Longicaudata, source : https://bit.ly/3gmgAFB |
Ensuite, il faut procéder à des lâchers
inondatifs dans les vergers qui permettront de lutter contre l’émergence des
mouches de fruits.
En effet, ces parasitoïdes ainsi lâchés,
s’attaquent aux larves de B. Dorsalis
(Mze Hassani, 2017 ; Muriith et al.,
2017). Ces organismes en s’attaquant aux stades immatures du
ravageur, émergent à la place de la mouche adulte.
Avec cette méthode de lutte, la recherche
ambitionne réduire la population des mouches de fruits. Quelques lâchers ont
déjà été réalisés dans des vergers de mangues dans la province du Houet et du
Kénédougou par les chercheurs du CNS-FL. Cependant, cette technique reste pour
le moment inaccessible aux producteurs de mangues au regard du dispositif
utilisé. Le développement et l’application de cette méthode restent donc pour
l’heure, à la seule maîtrise de la recherche. Mais l’espoir est permis pour les
bénéficiaires que sont les producteurs de mangue.
« À long terme, la
technologie permettra de réduire la population des mouches de fruits (B,
dorsalis) et par conséquent limiter les pertes dues à leurs attaques », foi du Dr Rabièta Simdé, entomologiste au sein de
l’Institut de l’Environnement et de Recherche Agricole (INERA). Ainsi, les
vergers seront mieux protégés avec une bonne productivité donc une augmentation
de la production globale.
Une révolution agricole à vulgariser pour le bien être des producteurs.
RépondreSupprimer