Contexte
Un reportage de la Radio Télévision du Burkina (RTB) diffusé
dans la 1ère semaine du mois de février 2020 a interpellé la
recherche nationale sur des attaques sévères de maladies sur plusieurs
bananeraies dans le village de Banakélédaga, région des Hauts-Bassins du Burkina Faso.
A cet effet, et conformément à ses prérogatives, le Centre
National de Spécialisation en Fruits et Légumes (CNS-FL) basé à l’INERA Farako-Bâ a dépêché sur le site, une équipe pluridisciplinaire de chercheurs et
techniciens afin de faire un état des lieux détaillé de la situation. Le
présent rapport fait un premier point sur cette crise phytosanitaire à l’issue
des analyses de laboratoire des différentes équipes disciplinaires à savoir,
l’entomologie, la nématologie, la virologie, la mycologie et la bactériologie.
Objectifs
Le
principal objectif de cette mission était d’identifier les causes principales
du flétrissement des bananeraies à Banakélédaga. Spécifiquement, il s’agit
de :
-
Recueillir
davantage d’informations auprès des producteurs sur l’historique de la crise;
-
Collecter
des échantillons de matériel végétal et de sol pour les analyses au
laboratoire;
-
Informer
avec précision l’autorité de tutelle sur les causes probables de la crise
sanitaires des bananeraies de Banakélédaga;
-
Proposer
des pistes de solution pour atténuer, voire endiguer le fléau et préserver
cette filière, tant importante de l’économie locale.
Observations au
champ
Les symptômes caractéristiques (Annexe)
observés sont :
-
Jaunissement des feuilles des jeunes plants de bananier;
-
Flétrissement ou dessèchement du plant entier;
-
Brunissements, dessèchement et chute des régimes;
-
Taches nécrotiques huileuses le long de la nervure principale
et aussi sur le limbe;
-
Brunissement des tissus vasculaire.
Sur la base des
symptômes observés au champ, la maladie
de Moko due à Ralstonia solanacearum
et la fusariose ou maladie de Panama due à Fusarium
oxyporium seraient à l’origine du flétrissement des bananiers.
Diagnostic au laboratoire
Test de verre
d’eau
Au laboratoire, nous avons procédé à un
test de verre d’eau qui permet de différencier les infections d’origine
bactérienne des infections fongiques. Ce test s’est révélé positif avec la
présence d’un filament blanc laiteux qui diffuse dans l’eau, confirmant
l’hypothèse d’une infection d’origine bactérienne. Les échantillons négatifs au
test de verre d’eau ont été traités pour la détection des champignons
pathogènes.
Isolement et
caractérisation de l’agent bactérien
Après la confirmation de l’infection
d’origine bactérienne, nous avons procédé à l’isolement de l’agent pathogène
sur milieu de culture. Après 72h d’incubation, nous avons observé des colonies
pures (Annexe) identiques à celles de Ralstonia
solanacearum, agent responsable du flétrissement bactérien.
Identification des
champignons
Des fragments de feuilles et de racines
désinfectés ont été placés dans des boîtes de Pétri contenant du papier buvard
humidifié et incubé pendant 72h avec l’alternance de 12 heures d’UV et 12
heures d’obscurité à une température de 25 °C. L’identification des champignons
a été réalisée à l’aide de la clé d’identification de Mathur et Kongsdal
(2003).
Identification de
Raltonia solanacearum par PCR Multiplex
À partir des colonies bactériennes, une
suspension bactérienne a été préparée pour réaliser une PCR multiplex ciblant
la région 16S-23S ITS afin de confirmer le diagnostic de Ralstonia solanacearum et aussi de déterminer le phylotype selon la
méthode décrite par Fegan et Prior (2005).
De la PCR multiplex, il ressort que les
symptômes observés sont dus à Ralstonia
solanaearum appartenant au Phylotype II responsable de la maladie de moko
sur le bananier.
Conclusion
Nous pouvons conclure sur la base des
symptômes observés et des tests au laboratoire, que les dégâts observés dans
les bananeraies visitées à Banakélédaga sont dus d’une part à la maladie de Moko causée par Raltonia solanacearum et d’autre part par
la fusariose due à Fasarium oxyporium.
Par ailleurs, d’autres champignons pathogènes ont été détectés dont Fusarium monoliforme, Myrothecium roridum, Colletotrichum spp et Mycosphaerella fijiensis. En outre, le
BSV (Banana Streak virus) qui est une maladie virale a été détecté dans tous
les champs prospectés.
Cependant d’autres bioagresseurs peuvent
contribuer à la dissémination de ces agents pathogènes. En effet, à partir des
échantillons de sol et de racines, six (06) genres principaux de nématodes
connus parasites majeurs du bananier ont été détectés. Il s’agit de Helicotylenchus multicinctus, Meloidogyne spp., Radopholus similis, Pratylenchus
sp., Scutellonema sp. et Rotylenchulus reniformis. L’étude
entomologique n’a pas révélé de manière significative l’implication directe des
insectes dans la manifestation des symptômes observés sur le bananier.
Cependant, ils peuvent constituer les principaux vecteurs des bactéries, virus
et champignons. Par conséquent, des études complémentaires devraient être
conduites pour comprendre les interactions entre les principaux bioagresseurs.
A cours et moyen termes, il faudra
mettre en place une stratégie de lutte intégrée, efficace et durable, en collaboration
avec les acteurs de la filière banane et le Ministère en charge de
l’Agriculture afin de réduire l’impact des bioagresseurs sur la productivité du
bananier au Burkina Faso.
A propos de la
maladie de moko et de la fusariose
Pour plus d’informations sur les deux
maladies, consulter le lien ci-dessous :
Annexe
A : Taches
nécrotiques huileuses sur feuille et pseudo tronc ;
B : Taches
huileuses le long de la nervure principale ;
C : 1.
Flétrissement du bananier, 2. Feuilles/drapeau desséché, 3. Jaunissement des
feuilles ;
D : Chute
du régime du bananier ;
E :
Colonies pure de Ralstonia solanacearum
isolées à partir des feuilles symptomatiques.
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